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Quelques réflexions sur l'astrologie.

 

Dans ce petit texte, d'un point de vue zététique, on fait le point sur l'astrologie : Qu'est-ce que c'est? Pourquoi des gens croient à l'astrologie? De quelle manière? Comment tester? Qu'y a-t-il en jeu?

 

Qu'est-ce que c'est?

 

Par « astrologie », au début du 21ème siècle, en France, on fait référence à « un ensemble de traditions et de croyances qui soutient que la position des planètes dans le système solaire apporte des informations permettant d'analyser ou de prédire des événements humains, collectifs ou individuels » (1) .

 

La diffusion la plus courante est la lecture d'horoscopes dans les journaux (« Les poissons auront un mois d'avril 2011 difficile (surtout vers le 1er), ayant souvent leur proches sur leur dos »). Mais, très souvent, il y a aussi les idées circulant, souvent de bouche à oreille, sur les caractères (« les taureaux sont doux») et les liens entre les signes astrologiques (« Tous les lions sont gentils avec les béliers »). Il existe aussi des astrologues ou des sites internets qu'on peut consulter et qui dressent des « thèmes astraux », liste de caractères et/ou évènements liés à la personne (2). Enfin, parfois, des prévisions plus globales sont faites (sur la paix dans le monde, le devenir d'un pays, la bourse, etc...).

 

Est-ce que ça marche?

 

Il y a eu beaucoup d'études (depuis très longtemps) portant sur la vérification des prévisions des astrologues et celles-ci ont toujours démontré, quand elles étaient réalisées de façon correcte (ce qui n'est pas si facile, voir à la fin de cette partie), une incidence nulle des astres sur notre comportement ou notre caractère. A titre d'exemple, des études ont été menées sur des jumeaux astrologiques (personnes ayant la même date, heure, voir minute de naissance) et l'étude (3) par exemple, a montré une absence de corrélation entre date de naissance et d'autres paramètres (tests de QI, résultats scolaires et sportifs) que les astrologues affirment pouvoir déterminer. Avant de s'interroger sur comment les planètes influent sur nous, il vaut mieux d'abord s'assurer qu'on constate un tel effet...

Dans la société, il y a une fréquente confusion entre l'astronomie, une science qui fait des prédictions testables, qui propose des théories réfutables, qui cherche à présenter ses résultats à d'autres scientifiques en vue de critiques et de reproduction d'expériences, et l'astrologie, une pseudo-science. En effet, cette dernière reprend une partie du vocabulaire et des résultats de l'astronomie, ceux qui viennent plutôt de l'antiquité et qui concernent la prévision des positions des planètes (les éphémérides) et l'extrapole sans fondement scientifique pour prévoir des évènements et les caractères des personnes. Il y a ainsi des tas d'incohérences dans le discours d'astrologues : Décalage entre signe astrologique et position réelle du soleil dans le ciel (à cause de la précession des équinoxes), contradiction entre les astrologues (chacun considérant que les autres se sont trompés), ou même, parfois contradiction avec eux-même... Le mot astrologie est souvent trompeur (le suffixe logie est en effet repris par de nombreuses sciences) et c'est important de remarquer que si l'astrologie empreinte concepts et résultats à l'astronomie le contraire ne s'est jamais passé.

A noter aussi qu'interroger des gens sur des choses subjectives (le caractère, les émotions, etc...) n'est pas évident à réaliser de façon correcte. En particulier il est assez fréquent que les poissons (par exemple) et qui sont lecteurs d'horoscopes, se convainquent d'avoir tel ou tel caractère, ce qui a bien sûr une influence sur les études de caractère lié au signe astrologique. Il est difficile ici de faire des études en « double aveugle » (et même en « simple aveugle »).

Dernière remarque : un exemple revient souvent chez les gens qui se posent des questions sur la validité de l'astrologie et plus généralement de l'influence des planètes. C'est l'influence de la Lune sur nous. Un petit tour d'horizon de cette question est fait sur notre site (4).

 

Pourquoi porte-t-on attention aux prévisions astrologiques ?

 

Dans les débuts de l'astronomie, la tâche d'établir des calendriers et de prévoir le retour des saisons (et donc de prévoir le futur) était essentielle. Le pas à franchir était assez naturel de vouloir lire dans le ciel l'avenir de l'humanité. L'astronomie étant une science qui a gardé une simplicité, en même temps que l'inaccessibilité de son objet, une bonne dose de poésie et de mystère, c'est un terrain propice pour la rêverie (ce qui est super) mais aussi pour que les pseudo-sciences se perpétuent. Plus que l'ancienne lecture des entrailles des animaux ou du marc de café...

 

Par ailleurs, dans notre société, on aime parler de soi, on met souvent en avant l'individu et son unicité. Il est ainsi assez facile de se laisser flatter par l'astrologie où les astres sont convoqués pour « se mettre à notre service », nous indiquant qui nous sommes et ce qui va nous arriver. De même, aller voir un astrologue permet parfois de débloquer des situations, simplement parce qu'on s'asseoit, qu'on parle et que quelqu'un vous écoute et vous donne des conseils (parfois bons), sous la forme déguisée de pronostics. C'est moins le double sextile Mercure-Saturne-Gémeaux qui va solutionner les problèmes qu'une oreille et une parole attentive.

 

Très souvent, les horoscopes se retrouvent être un prétexte à discussion, comme une amorce pour aborder des thèmes plus personnels. On lit souvent l'horoscope collectivement (avec ses ami(e)s, ses collègues, sa famille). En rigolant, au second degré, quand on constate le décalage entre ce qui est prévu et la situation personnelle du lecteur. Ou bien alors en insistant sur le fait que la prévision « colle bien », ce qui permet de parler de soi aux autres. Ainsi, comme les discussions sur la météo, les enfants, l'immobilier, le cinéma, les voitures (etc...), la lecture d'horoscopes est une sorte de « déclencheur de discussion » où on va pouvoir donner son avis, faire passer des messages, se découvrir des affinités en partant d'un discours plutôt neutre.

 

Une autre explication, plus psychologique, est la suivante. On a « tendance à accepter comme un portrait juste, exact et précis une description ou une évaluation globale et peu précise de notre personnalité » (ce que sont en général les prévisions astrologiques) (5). C'est ce que l'on appelle « l'effet Barnum » du nom d'un célèbre directeur de cirque qui disait que, dans son spectacle « il faut réserver à chacun un petit quelque chose ». Une expérience très célèbre à été faite par Bertram Forer en 1948 (et de nombreuses fois depuis, avec le même succès, en particulier par notre association à la dernière fête de la science) (6): il soumit ses étudiants à un test de personnalité puis, la semaine suivante, il amena un texte descriptif de la personnalité de chacun, basé, soit disant, sur ce test, en demandant à chaque étudiant de juger de son adéquation avec son caractère (entre 0 (nulle) et 5 (totale)). La moyenne fut supérieure à 4. Pourtant, le texte (ici en version traduite) était le même pour tous! Il ressemble par certains aspects à un horoscope :

 « Vous avez besoin d'être aimé et admiré, et pourtant vous êtes critique avec vous-même. Vous avez certes des points faibles dans votre personnalité, mais vous savez généralement les compenser. Vous avez un potentiel considérable que vous n'avez pas encore utilisé à votre avantage. À l'extérieur vous êtes discipliné et vous savez vous contrôler, mais à l'intérieur vous tendez à être préoccupé et pas très sûr de vous-même. Parfois vous vous demandez sérieusement si vous avez pris la bonne décision ou fait ce qu'il fallait. Vous préférez une certaine dose de changement et de variété, et devenez insatisfait si on vous entoure de restrictions et de limitations. Vous vous flattez d'être un esprit indépendant ; et vous n'acceptez l'opinion d'autrui que dûment démontrée. Vous avez trouvé qu'il était maladroit de se révéler trop facilement aux autres. Par moment vous êtes très extraverti, bavard et sociable, tandis qu'à d'autres moments vous êtes introverti, circonspect, et réservé. Certaines de vos aspirations tendent à être assez irréalistes. »

 

Cette explication est aussi liée à la tendance actuelle de l'astrologie de revoir ses ambitions à la baisse : les astrologues prédisent de moins en moins l'avenir précisément (en tout cas ans les journaux) mais ils indiquent une inclinaison de la personne à avoir telle attitude, tel caractère, chose beaucoup plus floue. C'est une caractéristique classique des phénomènes « étranges » que de voir leur intensité décroitre avec le temps, si des études sont faites dessus (voir l'exemple de la psychokinèse donné par H.Broch, (8))

 

Pourquoi ça peut être (un peu) dangereux?

 

Tout d'abord, la lecture d'horoscopes est une pratique moderne, installée et socialement acceptée (essayer de lire les entrailles d'un oiseau avec vos collègues, en buvant un café...). Et, quand ils sont analysés (dans (9), ceux de Télé 7 jours), la tendance lourde des horoscopes est qu' « ils favorisent [...] la soumission à l'ordre social ». Le message qui y est diffusé est que le mal être des gens ne vient pas des réalités sociales mais des planètes mal lunées. Le remède étant « d'attendre que ça passe ». On lit bien plus souvent « vous avez envie de ruer dans les brancards? Vous vous sentez frustré? Restez zen! » plutôt que « vous êtes harcelé dans votre travail, ne vous laissez pas faire! Ripostez et organisez-vous collectivement ».

 

Une autre facette est celle de la prédiction auto-réalisatrice : Les taureaux sont doux or je suis taureau donc je m'auto-convainc que je suis doux. Dans la pluspart des cas, cela n'a pas trop de conséquences (l'astrologie n'est pas la seule source d'auto-conviction, heureusement). Mais une étude médicale a mis en évidence une mortalité lié au cancer plus élevée chez les personnes d'origine chinoise, en Californie, plutôt croyantes en astrologie et nées dans une année soi-disant propice aux tumeurs (10). Cela pourrait être un argument pour les astrologues mais, sur les personnes habitant dans les même zones, nées la même année et qui ne se reconnaissent pas dans ce type de croyance la mortalité est classique.

 

Il y a aussi un dernier côté qui montre qu'il n'est pas si anodin de discuter d'horoscopes. C'est une opposition classique et stéréotypée qui est revalorisée (de façon inconsciente très souvent) quand on discute entre amis d'horoscopes : celle entre la science, analysant froidement, coupant la discussion en disant ce qui est « vrai » et « l'émotion » qui, en restant dans le vague fait naitre et continuer cette discussion. Dans le même ordre d'idée, l'astrologie et son discours qui pioche dans l'astronomie et ses outils participe à « ce double mouvement de remise en question de la science instituée et de la rationalisation des para-sciences. Le public est alors de moins en moins en mesure de différencier la première des secondes » (9). Je termine par une citation de Jean Rostand : « Ce qui est grave, ce n'est pas que tant de gens croient à l'astrologie, c'est qu'ils jugent de choses sérieuses avec des têtes qui croient à l'astrologie »(11)

 

Références :

  1. Site Wikipédia « l'astrologie ». http://fr.wikipedia.org/wiki/Astrologie

  2. http://fr.wikipedia.org/wiki/Thème_astrologique

  3. « Is astrology relevant to consciousness and psi? », journal of consciousness studies, 10, n°6-7, 2003, pp 175-198.

  4. http://marseillezetetique.fr/index.php?option=com_content&view=category&id=4&Itemid=30

  5. D'après « L'effet Barnum, une simple curiosité? », François Filiatrault dans Astrologie, hors série n°287 de juillet 2009 de l'AFIS (association française pour l'information scientifique).

  6. http://fr.wikipedia.org/wiki/Effet_Barnum

  7. La fonction sociale des horoscopes, Astrologie, hors série n°287 de juillet 2009 de l'AFIS (association française pour l'information scientifique).

  8. http://webs.unice.fr/site/broch/zetetique.html#psychokinese Paragraphe 1.2.

  9. D'après « Sous les étoiles rien de nouveau? L'horoscope dans les sociétés contemporaines », Patrick Peretti-Watel, revue française de sociologie, 43-1, 2002.

  10. Revue Lancet 6 novembre 1993.

  11. Inquiétudes d'une biologiste, Jean Rostand.